Le développement et l’évolution des technologies informatiques a fortement impacté la façon dont l’agent de trafic travaille.
Au cours de ces dix dernières années, son rôle, parfois même sa place au sein du microcosme de l’aéroport ont évolué.
L’évolution de l’informatique
Il y a dix ans, les logiciels utilisés par les compagnies aériennes étaient encore relativement archaïques.
Les plus répandus, tels que Gaetan, développé par Air France, ou ORCA, RTB, présentaient un écran noir, bleu ou blanc sur lequel on entrait des codes.
Ces codes faisaient apparaître des écrans où l’on inscrivait les données pour la loadsheet.
De ce point de vue, Gaetan était bien plus agréable à travailler. En effet, on pouvait se déplacer dans l’écran grâce aux tabulations et insérer directement les informations à l’endroit qu’il fallait.
A l’inverse, pour entrer les données dans RTB, il fallait les taper dans une ligne de code. Et la logique n’était pas toujours facile à comprendre!
Néanmoins, ces systèmes étaient des outils très puissants grâce auxquels on pouvait absolument tout faire.
Un vol non prévu se rajoutait au programme? Le créer ne prenait que quelques minutes.
Une compagnie aérienne opérait un vol avec un avion loué à une autre compagnie? Une entrée permettait d’avoir toutes les informations relatives à cet avion. L’agent de trafic pouvait travailler comme d’habitude.
Dans les petits aéroports, l’achat de tels logiciels pouvait se révéler trop coûteux. La loadsheet manuelle était alors reine.
Certaines compagnies avaient développé des systèmes basés sur des feuilles excel permettant de créer une loadsheet.
Petit à petit, la maîtrise de la technologie a évolué. Les logiciels aussi.
De nouveaux systèmes sont apparus
Les écrans colorés, interactifs, visuels ont remplacé les écrans noirs et les lignes de codes.
Bien plus intuitifs, les manipulations se font maintenant à l’aide de la souris, les données sont entrées dans des cases.
Le plan de chargement est devenu une représentation de la soute de l’avion, les positions de chargement des conteneurs et palettes y sont matérialisées.
Mieux encore, le centrage de l’avion apparaît sur un graphique.
Il ne s’agit plus de chiffres, mais d’images.
Les plus connus et utilisés aujourd’hui sont Altea de Amadeus et Sabre.
Ces évolutions ont considérablement facilité le travail des agents de trafic.
D’un autre côté, ces nouveaux systèmes fonctionnent par modules. L’ensemble des fonctionnalités qui existaient avec les anciens logiciels est maintenant compartimenté. Si l’on n’a pas tous les modules, certaines actions deviennent impossibles à réaliser.
Ainsi, il est possible de créer un vol pour une compagnie aérienne avec ses propres avions. Mais si cette compagnie effectue le vol avec un avion d’une autre, il faut préalablement que la compagnie intègre cet avion dans sa base de données.
Cela peut poser des problèmes de réactivité.
Le Centralised Load Control, une nouvelle organisation du travail
En parallèle du développement de ces logiciels, le métier d’agent de trafic a lui aussi connu une grande évolution.
Afin de réduire les coûts, certains grandes compagnies aérienne ont décidé de créer des centres dans lesquels des “dispatchers” s’occupaient de la partie technique des agents de trafic. Cela s’appelle le « Centralised Load Control ».
Prenons en exemple KLM.
A Amsterdam, dans un bureau, un agent planifie le chargement d’un vol KLM et envoie le plan à Genève avant l’arrivée de l’avion.
A Genève, l’agent de trafic transmet ce plan à son équipe de chargement. Il transmet ensuite les informations non pas au pilote directement, mais à l’agent d’Amsterdam.
Celui-ci insère les informations de chargement dans le logiciel et envoie la loadsheet au pilote, dans le cockpit directement.
L’agent de trafic se concentre alors sur la coordination des intervenants.
L’agent du CLC, quant à lui, peut s’occuper de plusieurs vols en même temps.
Cette pratique s’est nettement répandue au cours des dernières années en Europe.
Si les principales compagnies nationales (Air France, KLM, British Airways, par exemple) ont gardé le CLC dans leurs pays, des centres ont vu le jour dans les pays d’Europe de l’est ou dans des pays émergents.
Pour les compagnies aérienne, le bénéfice est évident. Dans un contexte de course effrénée à la maîtrise des coûts, pour faire face au développement des compagnies low cost, elles ont revu leur organisation.
De fait, les compétences techniques sont regroupées au sein d’un centre, où les agents s’occupent de plusieurs vols en même temps. Au sol, les agents de trafic sont devenus des coordinateurs, les compétences techniques nécessaires sont minimales.
Quelle évolution pour le métier d’agent de trafic?
Certains ont même poussé le modèle jusqu’à faire disparaître l’agent de trafic.
Avec le développement des outils informatiques, il est désormais possible pour le chef d’équipe de chargement de transmettre lui même les informations au CLC.
L’agent de trafic n’a donc plus de raison de rester sous l’avion. Il peut être affecté à d’autres tâches.
C’est ce qu’a fait Air France à Roissy notamment.
Le chef d’équipe reçoit le plan de chargement, il transmet les informations au CLC via un boitier (une sorte de très gros smartphone). L’agent de trafic est devenu un “Agent K”, qui se trouve en porte d’embarquement et gère l’embarquement avec les pilotes.
Evidemment, ce modèle est possible lorsque le chef d’équipe et le CLC parlent la même langue.
Pour diriger une équipe de chargement, il n’était jusqu’à présent pas demandé aux candidats de maîtriser l’anglais. Cela deviendra peut être nécessaire dans le futur!
En attendant, pour pallier à cela, un autre modèle s’est dessiné.
L’agent de trafic, au lieu de rejoindre l’équipe d’embarquement, a remplacé le chef d’équipe. Il s’occupe dorénavant du chargement.
La fin des agents de trafic?
Ces nouveaux modèles ont certes de grands avantages pour les compagnies aériennes.
Il nécessitent non seulement moins de personnel, mais surtout, moins de personnel qualifié.
Mais s’agit-il d’une réponse immédiate à la concurrence des compagnies low cost? Ou plus largement d’une réponse à la mutation générale du monde de l’aérien?
Depuis leurs mises en place, ces systèmes ont montré certaines limites.
Comme vous l’avez vu, la place centrale et les compétences techniques de l’agent de trafic lui donnaient une vision globale de l’escale d’un avion. Il était à même d’anticiper un problème et de le régler rapidement.
Aujourd’hui, l’information est compartimentée, personne n’a de vue d’ensemble. Cela peut engendrer des situations confuses et nuire à l’efficacité des différentes équipes.
D’autre part, ces modèles ont ajouté un intermédiaire dans le traitement des informations, ce qui impacte les capacités de réaction des agents. En effet, l’agent de trafic n’ayant plus de rôle technique, il ne peut plus prendre de décision de lui même quant au chargement. La planification est réalisée par une personne qui se trouve à des milliers de kilomètres, qui ne voit pas en réel le volume que représentent les bagages, le fret. De ce fait, l’agent de trafic ou le chef d’équipe doivent le lui indiquer.
Une modification du plan de chargement peut ainsi prendre du temps et faire perdre de précieuses minutes à l’équipe de chargement.
Le monde de l’aérien est lui même en pleine mutation, il doit aujourd’hui se réinventer.
Les Etats-Unis, précurseurs dans l’établissement de ces nouvelles techniques de travail, sont en train de lentement faire marche arrière.
Le métier d’agent de trafic n’existe plus tel qu’il était à ses débuts. Mais ce que l’on observe aujourd’hui, n’est sans doute qu’une étape dans son évolution.